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Ces bébés de passage...

Virginie Rabier

Ce texte a été écrit à quatre mains. L'envie de croiser les regards sur une même histoire.

Une amie, il y a quelques années, m'annonce rayonnante qu'elle attend un bébé.

C'est son deuxième.

Quelques mois passent et un matin,, alors qu'elle est enceinte de 4 mois, je reçois un texto me disant que bébé n'est plus...

Evidemment, pour moi, c'est le choc. Et puis, très vite, j'ai envie de savoir comment va mon amie. Je n'arrive pas à la joindre et ne pourrai d'ailleurs pas les jours suivants. Je n'aurais des nouvelles que par sms.

Elle me racontera par la suite que le bébé était déjà mort depuis plusieurs jours avant de s'en rendre compte.

Et je ressens toute sa culpabilité de ne pas l'avoir senti plus tôt, de ne pas avoir été capable de mener cette grossesse à terme..

J'ai accompagnée très modestement cette amie dans ce parcours si hors norme.

Elle a souvent évoqué ce moment où tout semble ne pas être complètement réel. Les émotions sont totalement mêlées, Elle ne comprend pas vraiment ce qui se passe. Le corps médical explique aux parents qu'il va falloir accoucher, là où les autres femmes mettent au monde leurs bébés, vivants. Et puis s'ils le souhaitent , ils pourront voir leur enfant... La vie et la mort se côtoient. Le mental ne peut pas traiter ça. Et, c'est tellement énorme qu'on se retrouve observateur d'une scène. On est l'acteur principal et pourtant on semble ne pas y être vraiment.

Souvent, elle me dira qu'elle avait encore des difficultés à imaginer que c'était à elle que cela était arrivé.

Et puis, il y a eu les regards des autres, qui venaient témoigner de ce ventre qui n'était plus. L'histoire prenait un nouveau virage. L'extérieur venait la teinter.

Comment avoir le temps de comprendre, digérer, accueillir alors que, déjà, les autres racontaient à sa place, discours remplis de leurs peurs, de leurs projections, de leurs méconnaissances. Les mots, l'interprétation de l'extérieur se collaient à ce fatras d'émotions intérieur.

La vie a repris son cours, laissant un ventre vide. Cette histoire n'avait pas du tout encore pris sens.

Le besoin de se reconnaître a émergé. Alors, mon amie a cherché sur internet des femmes qui avaient vécu cette même douleur, cette même expérience. Pour peut-être dans leurs mots mieux comprendre, trouver en l'autre la reconnaissance de cette douleur.

Mais, ses recherches n'ont fait qu'augmenter sa culpabilité. les témoignages qu'elle lisait racontaient des femmes qui très vite souhaitaient un nouveau bébé, voulaient passer à autre chose.

Elle, elle n'y arrivait pas. Elle voulait comprendre. Elle ne pouvait pas faire semblant de ne pas entendre ce qui se disait dans ce qu'elle avait vécu. Elle n'arrivait pas à tourner cette page si lourde. Quelle culpabilité et quelle colère de se dire qu'on ne sait pas faire ce que les autres font si facilement (en apparence sans doute ...).

Elle avait hébergé un petit être dont la vie commençait à s'exprimer et en une parole, elle apprenait qu'elle portait la mort en elle. L'indicible se manifestait. Elle ne pouvait trouver de réponse à l'extérieur, seul ce qu'elle vivait en son coeur avait un sens pour elle.

Le couple tremblait depuis cet événement. Chacun l'accueillait comme il pouvait créant parfois un profond fossé entre eux. La douleur était si vive au début qu'ils étaient d'ailleurs bien en difficulté d'en parler.

La date anniversaire est arrivée..... La première fut douloureuse.

La seconde aussi. peut être un peu moins..

Mais celles-ci l'invitaient à chaque fois à revisiter ce moment, à permettre que ce bébé prenne sa place dans l'histoire de mon amie, dans l'histoire de ce couple, dans l'histoire de leur fille aînée.

Ici n'est pas l'idée de donner d'hypothétiques explications sur le pourquoi et le comment. Parce que je n'en ai aucun droit, aucune idée. Parce que cette histoire appartient à mon amie et c'est elle qui en donnera le sens qui résonne juste pour elle. Ou pas d'ailleurs.

Chaque événement est revisité à la lumière de notre conscience nouvelle. C'est un peu comme les ronds qui apparaissent lorsqu'on jette un caillou à la surface de l'eau. Peu à peu, on élargit notre vision et nous nous décalons du centre cyclonique.

J'avais à cœur de témoigner de ce droit de ne pas pouvoir aller plus vite. De ce besoin de temps pour permettre à l'indicible de se dire et d'être entendu. A la douleur qui a besoin d'être accueillie avec Amour et bienveillance, sans notion de temps.

Son histoire, en me la partageant, fait partie aussi de la mienne maintenant. Dans cette noirceur, j'y ai vu de la lumière, de l'Amour dans cette rencontre au cœur de coeur, quoi qu'il arrive.

Merci à Toi. Merci à ce bébé, qui nous a appris tant de ce pas-sage dans nos vies.


 
 
 

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